mardi 8 mai 2012

Les affaires africaines qui accusent Sarkozy


L’homme reçoit dans un luxueux appartement du XVIe arrondissement de Paris. Les murs sont recouverts de toiles religieuses, mais lui n’a pas toujours des mots très catholiques. Sa cible: la «Sarkafrique».

Au lendemain de son départ à la retraite, l’homme d’affaires franco-espagnol Jacques Dupuydauby, président du groupe portuaire Progosa, dénonce dans un entretien à Mediapart les pressions de Nicolas Sarkozy sur plusieurs chefs d’Etat de l’Afrique de l’Ouest pour que l’industriel Vincent Bolloré, intime du président français, décroche de juteuses concessions portuaires. Un chantage d’Etat.

Ancien vice-président du groupe Bouygues et proche des réseaux chiraquiens, M. Dupuydauby affirme avoir personnellement recueilli les confidences embarrassantes de plusieurs présidents africains, dont Faure Gnassingbé (Togo) et Denis Sassou N’Guesso (Congo).

«Quand M. Bolloré s’implante quelque part, il utilise le président français comme son VRP de luxe. M. Sarkozy, de son côté, met dans la balance les relations franco-africaines et fait des pressions », affirme Jacques Dupuydauby. L’homme d’affaires, qui avoue « ne pas être un perdreau de l’année», tranche: «On est passé de la Françafrique des mallettes à la Sarkafrique des concessions.»

Agé de 65 ans, récemment condamné au Togo à vingt ans de prison dans une affaire dont il dit ne rien connaître et qu’il soupçonne avoir été orchestrée par Vincent Bolloré, l’industriel réclame désormais l’ouverture d’une commission d’enquête parlementaire sur le «système Sarkozy en Afrique».



Votre société, Progosa, avait remporté en 2001 la concession du port de Lomé au Togo, que vous avez brutalement perdue en 2009. Que s’est-il passé qui puisse expliquer ce renversement de situation?
Il s’est passé l’élection de Nicolas Sarkozy. Après le sommet de Lisbonne, qui s’est tenu en 2007 sur le thème «Europe-Afrique», Faure Gnassingbé, l’actuel président du Togo, que je voyais tous les mois, m’a soudainement expliqué :«J’ai un gros problème». Au sommet de Lisbonne, Sarkozy lui a en effet annoncé que la France soutenait ses amis, dont le Togo fait partie, mais qu’en contrepartie la France attendait de ses amis qu’ils se comportent vis-à-vis d’elle de façon, disons, amicale.

C’est-à-dire?
C’est-à-dire que, je cite, «quand on est l’ami de la France, on est l’ami des sociétés françaises». Et Sarkozy lui a demandé de donner la gestion du port de Lomé au groupe de son ami Vincent Bolloré.

Vous le tenez de la bouche du président togolais?
Parfaitement. Plusieurs ministres togolais me l’ont également confirmé. Faure Gnassingbé m’a dit qu’il allait résister, mais il n’a pas pu. Car le coupable, dans cette affaire, ce n’est pas Faure Gnassingbé. Vous êtes président du Togo, vous avez des élections qui approchent, vous savez que cela va être très tendu, par conséquent, vous espérez que le gouvernement français reconnaisse votre légitimité – ce type de geste diplomatique a encore beaucoup d’importance en Afrique francophone. La suite est assez simple à comprendre.

La justice togolaise manipulée?
La suite, donc. Vous avez été condamné le 7 septembre dernier à vingt ans de prison ferme et plus de 350 millions d’euros d’amendes par un tribunal de Lomé pour «abus de confiance», «délit d’escroquerie», «usage de faux», «fraude fiscale», «destruction volontaire» et «groupement de malfaiteurs». Quelle est l’origine de cette procédure?
C’est une histoire folle. Nous n’avons même pas été avisés par l’Etat du Togo ou par qui que ce soit de ce jugement rendu en 2011! Et pour cause: dès notre départ en 2009, on savait que nous ne pourrions plus y retourner, nos bureaux étaient occupés et nos dossiers saisis. En 2009, quand le groupe Bolloré a commencé à nous chasser de Lomé, nous savions seulement qu’il y avait un contrôle fiscal en cours contre nous.
En mai 2009, alors que j’étais au Burkina Faso, les autorités togolaises, sous la conduite du conseiller spécial du président Gnassingbé, l’ex-avocat Charles Debbasch, sont entrées dans l’une des maisons louées par ma société au Togo pour s’emparer de nos archives. Celles-là mêmes que l’on nous accuse aujourd’hui d’avoir fait disparaître. Extraordinaire !
Quand on a vu ce qui se passait, nous ne sommes pas rentrés du Burkina Faso au Togo. Et c’est comme ça que nous avons été accusés d’avoir fui, alors que nous avons quitté le territoire légalement – je tiens à votre disposition mon passeport tamponné–, et qu’un mandat d’arrêt international a été émis à notre encontre. Enfin, paraît-il...
Avec plusieurs de mes collaborateurs, nous sommes donc allés à Ouagadougou, où nous nous sommes mis sous la protection du président Blaise Compaoré. Notre directeur local, M. Broutin, lui, a fait 45 jours de prison au Togo. Et l’ambassade de France n’a pas levé le petit doigt, elle n’est même pas allée le voir! Les autorités locales l’ont finalement sorti parce qu’ils avaient peur qu’il meure en prison. D’après moi, toute cette affaire a été orchestrée par M. Bolloré.

Comment le savez-vous?
Dans l’heure qui a suivi notre départ, Bolloré a pris possession des lieux et récupéré la concession du port de Lomé. Ils ont tout pris ! Le directeur général de Bolloré a été nommé directeur de nos sociétés en une heure... Par la suite, toutes nos tentatives d’indemnisation ont été mises à mal par Charles Debbasch, qui, en plus de conseiller le président du Togo, semble aussi être le bras séculier de Bolloré dans le pays.
Et j’apprends début octobre par un site internet togolais officiel, Republicoftogo, que j’ai été condamné à vingt ans de prison ! Mais ce jugement n’est l’aboutissement de rien: je n’ai jamais été convoqué dans cette affaire. Je ne sais même pas ce qui m’est reproché factuellement. Je me pose beaucoup de questions sur ce soi-disant jugement qui fait suite à un soi-disant procès auquel nous n’avons pas été conviés...

Avez-vous l’intention de faire appel du jugement?
Nous avons pris un avocat, ancien ministre de la justice du Togo, Me Abi, qui va faire opposition au jugement. Mais je vous rappelle que, dans ce procès, les parties civiles sont l’Etat togolais et le groupe Bolloré.
Un chantage d’Etat

Selon vous, la justice togolaise a été manipulée?
Je m’interroge fortement sur le mode de fonctionnement de la justice togolaise et de son indépendance à tous égards. Mais ma conviction, c’est que celui qui fait la pluie et le beau temps au Togo, sur la justice comme sur le reste, s’appelle Charles Debbasch, condamné en France dans l’affaire Vasarely, manifestement protégé depuis un certain temps puisqu’il circule librement alors qu’à ma connaissance, il n’a pas été dispensé de peine. Il est vrai, qu’entre-temps, il a écrit de magnifiques livres à la gloire du président Sarkozy... Ces œuvres sont disponibles sur Internet.

Mais vous-même, quand vous aviez la concession du port de Lomé, vous avez fait travailler Charles Debbasch comme juriste. Vous avez même produit les factures sur votre blog...
Vous m’expliquerez comment on peut travailler au Togo sans avoir recours aux services de l’avocat Debbasch, aujourd’hui l’avocat radié Debbasch. Si vous connaissez une seule entreprise au Togo qui ait pu travailler sans passer par lui et ses éminents conseils juridiques, vous me la signalerez. J’ai chargé mon avocat français, Me Jean-Pierre Mignard, d’étudier la possibilité de déposer une plainte à Paris sur ces faits.

Si l’on en croit les confidences du président togolais que vous rapportez dans cet entretien, M. Sarkozy serait donc à l’origine de l’éviction de votre groupe?
Totalement. Absolument. Je mets directement en cause Sarkozy. D’ailleurs, je vous signale qu’un député socialiste, Jean Launay, a posé en octobre 2010 une question au gouvernement sur les pressions de Nicolas Sarkozy en faveur du groupe Bolloré au Togo. Le ministre des affaires étrangères de l’époque, Bernard Kouchner, n’a pas démenti. Il s’est abstenu de répondre.

Le cas du Togo est-il un cas unique?
Bien sûr que non. Il y a le Congo, entre autres.

Qui est intervenu contre vous au Congo?
Toujours le même! Sarkozy, directement. Les chefs d’Etat eux-mêmes me l’ont confié. Sassou N’Guesso (le président du Congo - NDLR), que je connais depuis trente ans, m’a dit : « Je suis désolé, j’aimerais bien te donner le port de Pointe Noire, mais je ne peux pas. Sarkozy met son veto ». J’entretiens de bonnes relations avec plusieurs chefs d’Etat africains, depuis la fin des années 1970, et je n’avais jamais connu ça auparavant. Quand M. Bolloré s’implante quelque part, il prend possession de tout, les infrastructures stratégiques en matière de transport notamment, tout, et il utilise le président français comme son VRP de luxe. M. Sarkozy, de son côté, met dans la balance les relations franco-africaines et fait des pressions. Comment voulez-vous qu’un chef d’Etat résiste ?

Au Cameroun, vous avez eu les mêmes échos?
Au Cameroun, nous avions gagné l’appel d’offres pour le port de Douala. La Banque mondiale a soutenu l’attribution. Le président Biya voulait nous donner la concession. Là-dessus, M. Sarkozy intervient et dit au président camerounais: «C’est pas Dupuydauby qui viendra vous exfiltrer lorsque vous serez encerclés dans votre palais». Un juge d’instruction camerounais a tenté de faire sortir l’affaire. En vain.
Combien de concessions avez-vous perdues depuis l’élection de Nicolas Sarkozy?
On n’a pas eu le Cameroun et nous avons perdu le Togo et le Gabon. Avant l’élection de M. Sarkozy, c’était une guerre classique entre groupes industriels. Et comme nous étions moins chers et au moins aussi performants, nous pouvions gagner. Le combat était équilibré politiquement, même s’il était déséquilibré financièrement, parce que Bolloré dispose de moyens de conviction que nous n’avions pas.

Ce système d’intervention de l’Etat, que vous décrivez, n’est pas vraiment nouveau...
Je vais être très clair. Quand il y a un appel d’offres international, qu’un ambassadeur aille dire au pouvoir en place que la France apprécierait qu’il regarde ce dossier de manière particulière, je ne trouve pas ça anormal. Par contre, il est anormal que les ambassadeurs se transforment en factotum de Bolloré et servent de courroie de transmission à l’Elysée. Sous Sarkozy, le message est : « Si vous ne faites pas ce qu’on vous demande en donnant telle et telle chose à Bolloré, vous ne pourrez plus compter sur l’appui de la France ».

La rupture avec le passé
Il y a des menaces politiques, mais pour obtenir ces marchés, n’y a-t-il pas aussi de l’argent...
Cela a toujours été le cas, oui. Ce que je dénonce, c’est le fait que le président de la République française, directement puis indirectement, fasse pression sur les chefs d’Etat africains pour que des concessions soient données à Bolloré, ou retirées à des adversaires de Bolloré, pour être données à Bolloré, en leur disant: «si vous ne faites pas ce que je vous demande, la France ne vous soutiendra plus». M. Sarkozy utilise ses fonctions de premier personnage de l’Etat pour que son copain puisse ramasser des concessions aux dépens d’un autre.

Et cela, Chirac ne le faisait pas?
Ah non! Je peux vous l’assurer. La France manifestait son souhait de voir des Français gagner, mais ça, c’est normal. Les prédécesseurs de M. Sarkozy n’ont pas proféré des menaces à caractère diplomatique pour favoriser les affaires d’Untel ou Untel.

Quel est l’intérêt pour Nicolas Sarkozy?
La philanthropie, l’amitié... (sourires). Quelque chose m’a beaucoup frappé. Après avoir fait croisière sur le Paloma, le yacht de Bolloré (au lendemain de son élection, en mai 2007 - NDLR), Sarkozy a dit : «Je souhaiterais qu’en France, il y ait beaucoup d’entrepreneurs comme M. Bolloré». Puis M. Sarkozy nous a expliqué que jamais le groupe de M. Bolloré n’avait travaillé pour l’Etat. M. Bolloré a été remboursé au centuple de son yacht et de ses avions.

Avez-vous des raisons de croire qu’il y a d’autres arrière-plans financiers à ce soutien apporté à M. Bolloré?
Allez donc demander à M. Claude Guéant pourquoi quinze jours avant la guerre en Libye, il a fait en sorte que M. Bolloré arrache le port de Misrata. Il l’avait obtenu grâce au système Kadhafi avant la guerre et il s’apprête à le garder après. Autre exemple : la Côte d’Ivoire. M. Bolloré a obtenu un monopole sur le port d’Abidjan, une mine d’or, grâce au président Gbagbo, dans des conditions juridiquement rocambolesques. Je rappelle que M. Gbagbo a décoré M. Bolloré quelques jours avant sa chute et que Bolloré a soutenu Gbagbo jusqu’à l’extrême limite du possible.
M. Ouattara, qui a battu Gbagbo aux dernières élections, mettait explicitement en cause un institut de sondages appartenant au groupe Bolloré d’avoir livré des sondages favorables à Gbagbo. M. Ouattara arrive finalement au pouvoir: il invite M. Bolloré à sa table d’honneur le jour de son intronisation. Que pensez-vous qu’il se soit passé? L’un des industriels les plus proches du président m’a confié que Sarkozy lui-même avait exigé de M. Ouattara que Bolloré garde toutes ses positions sur le port d’Abidjan.
Ces cas sont vérifiables. Une fois, on peut s’interroger. Deux fois, on peut douter. Trois fois, c’est une forme de certitude. A la quatrième, on a la preuve d’un système. On est passé des mallettes de M. Bourgi, qui étaient un secret de Polichinelle, à quelque chose de beaucoup plus fort. On est passé de la Françafrique des mallettes à la Sarkafrique des concessions.
Hortefeux, Carignon, Balkany...

On peut imaginer qu’il existait le même type de messages à Omar Bongo, au Gabon, pour favoriser l’attribution à Elf de telle ou telle concession pétrolière, non?
Je ne parle que de ce que je connais. Mais les enjeux nationaux étaient autres avec le pétrole, dont dépendait une partie de l’indépendance énergétique de la France selon le général de Gaulle. Pouvez-vous me dire quel est l’intérêt stratégique pour la France de donner une concession à M. Bolloré?
Il y a l’argument de la défense des entreprises françaises.
Et Getma, la société qui a été chassée par Bolloré du port de Conakry, en Guinée, ce n’est pas une entreprise française, peut-être? C’est une entreprise française ! Elle est installée près des Champs-Elysées. Tout cela peut s’apparenter à un système. En tout cas, c’est systématique. Avec les pressions et les envoyés parallèles.

Qui sont ces envoyés?
Patrick Balkany, député-maire de Levallois-Perret, intime de Nicolas Sarkozy, joue par exemple un rôle considérable dans ce système. Et il est sûrement là pour représenter l’honnêteté française... Franchement, quand on voit cet élu des Hauts-de-Seine accompagner en permanence le président de la République dans ses déplacements africains et revenir après dans les pays pour faire passer les messages, on a la nausée. Quand on voit la place d’Alain Carignon, autre grande figure de l’honnêteté française, auprès de Brice Hortefeux, lequel est très actif dans toutes ces affaires africaines, on a du dégoût.

Comment considérer ce que vous dénoncez aujourd’hui comme autre chose qu’une vengeance de mauvais perdant face au groupe Bolloré?
Ah, mais moi, j’ai perdu. C’est sûr. Il m’a éliminé. J’ai 65 ans, je prends ma retraite. Je ne suis plus actif dans ce secteur. J’ai vendu le fonds de commerce de mon groupe. C’est un problème qui ne me concerne plus personnellement. A mes yeux, c’est aujourd’hui de nécessité de mettre Sarkozy et ses relais, au premier rang desquels Bolloré, à la porte de l’Elysée. Je rappelle d’ailleurs que MM. Sarkozy et Bolloré ont le même conseiller: Alain Minc. Il faut mettre fin au système. Le système Bolloré est une pieuvre.

Réclamez-vous une commission d’enquête parlementaire?
Je pense que le fonctionnement du système Sarkozy en Afrique, dont Bolloré est le pivot, serait en effet un excellent sujet d’enquête parlementaire. Mais au Sénat, qui vient de basculer à gauche, je lisais que la nouvelle majorité s’interrogeait sur des sujets marquant le changement. Voilà un beau sujet, le soutien politique apporté aux investissements privés de M. Bolloré en Afrique, les pressions exercées sur les Etats africains, les méthodes d’attribution des marchés au groupe Bolloré, et enfin qui en tire bénéfice.
Dans le livre Sarko m’a tuer (Stock), vous avez raconté une scène surprenante du début des années 1980 durant laquelle Nicolas Sarkozy, maire de Neuilly et avocat, aurait demandé que la société que vous dirigiez alors couvre des prestations juridiques fictives à son profit. Quelles ont été les réactions de l’Elysée suite à ces confidences?
Aucune. Peut-être savent-ils que j’ai des archives.
Source: mediapart.fr
Jacques Dupuydauby dans le livre «Sarko m’a tuer»
«… On revient à l’Afrique, là où s’est cristallisée la haine. Jacques Dupuydauby évoque d’abord le Togo, et le port de Lomé, qu’il assure avoir «totalement redressé alors que Bolloré était (son) actionnaire minoritaire à 15 %», Changement de décor après la mort, en février 2005, de l’inamovible président Eyadéma Gnassingbé, auquel succède son fils, Faure Gnassingbé. «Fin 2007, Faure Gnassingbé m’explique, très embarrassé, qu’il a rencontré Sarkozy à Lisbonne, qui lui aurait dit qu’il fallait me retirer la concession du port et la donner à Bolloré, sinon il empêcherait sa réélection. Faure Gnassingbé n’a eu d’autre choix que de s’exécuter».
D’après Dupuydauby, le même processus s’est déroulé en Guinée, où l’une de ses sociétés, la GETMA, détenait le port de Conakry. «Comme au Togo, l’armée a été jusqu’à encercler nos bureaux pour faire place nette, assure-t-il. Tout cela s’est produit via les réseaux sarkozystes, une véritable diplomatie parallèle.»
Progosa a également perdu la gestion de ports au Gabon, au Cameroun et au Congo- Brazzaville. Une infortune imputable, selon lui, aux bonnes relations entretenues par Nicolas Sarkozy avec certains chefs d’État africains. «Voilà comment fonctionne la Sarkafrique!», s’esclaffe Jacques Dupuydauby, satisfait de son bon mot. Mais très vite, il se calme, et repense aux ennuis en cascade qui se sont abattus sur lui ces dernières années. «Tout cela ne m’a pas surpris. Avant l’élection de Sarkozy, en 2007, un important collaborateur de Bolloré a confié à l’un de mes conseils: «Dupuydauby, qu’il ne se fasse aucune illusion, dès que Sarko sera au pouvoir, on le foutra en taule.» Du coup, il évite le plus possible de venir en France, où il ne se sent pas en sécurité. «J’ai souvent la crainte, dès que je mets les pieds dans l’Hexagone, que les flics débarquent sous je ne sais quel prétexte. Tout cela est très dur à vivre, il faut avoir des convictions chevillées au corps pour résister.» Il se dit «certain d’être sous surveillance, au minimum sur écoute», Même à Séville, où il passe le plus clair de son temps, il estime ne pas être totalement à l’abri.
«J’ai des avocats en Espagne qui ont été obligés d’arrêter de travailler pour moi depuis 2007, car ils ne voulaient pas apparaître comme des ennemis du président français. J’avais aussi un associé espagnol très puissant. Il a dû rompre ses accords avec moi pour sauver son propre business.» Il conclut sur cette image-choc: «J’ai eu l’impression ces quatre dernières années d’être comme ces lépreux dans la Rome antique qui traversaient la ville avec une clochette, et les gens s’écartaient sur leur passage.»
Le patron de Progosa ajoute encore: «Ce qui me choque, c’est certains de mes amis ministres, soi-disant gaullistes, qui m’ont dit pis que pendre de Sarkozy dès 2007, mais qui sont restés au gouvernement car la soupe est bonne. Ils ont cautionné ce personnage. Mon amie Michèle Alliot-Marie, une femme intègre que j’aime beaucoup, a été une caution morale pour lui, je le regrette.» Jacques Dupuydauby a perçu, à partir du début de l’année 2011, comme un changement de climat. Les enquêtes d’opinion, catastrophiques pour Nicolas Sarkozy, conjuguées à l’imminence de l’échéance présidentielle, n’y sont pas pour rien. «Je commence à retrouver des amis, car le vent tourne! lance-t-il. Tout le monde va se découvrir antisarkozyste en 2012. Ils le trahiront tous, je le plains.»

Aux dernières nouvelles, Jacques Dupuydauby cherchait un éditeur. Il a eu l’idée d’écrire un livre, dans lequel il entend démontrer que Nicolas Sarkozy est le fossoyeur du gaullisme dont il se réclame pourtant. Jacques Dupuydauby a déjà trouvé le titre: L’Imposteur. «Apprends­moi à pardonner à ceux qui ont péché contre moi », dit la Bible. Jacques Dupuydauby reste un fervent catholique. Mais il ne tendra jamais l’autre joue».


«Sarko m’a tué», Gérard Davet et Fabrice Lhomme, Edition Stock, PP.304-306

Le Franc des Colonies Françaises d’Afrique (FCFA) est un anachronisme colonial impitoyable


La France perpétue une politique néocoloniale et prédatrice vis-à-vis des néo colonies de son pré carré africain. À l’évidence sans ces dernières la France ne saurait faire le poids sur la scène internationale. Non seulement l’Afrique lui procure l’indépendance énergétique, mais elle y tire également sa vigueur économique. Pour ce faire, le franc CFA (franc des colonies françaises d’Afrique) a été conçu et imposé depuis 1945 à 14 colonies pour le profit de la France principalement. 

 
Le franc CFA est non seulement le seul système monétaire colonial au monde ayant survécu à la décolonisation, mais il est surtout le pilier par excellence du pacte colonial, d’autant qu’il permet à la France de contrôler et de piller les économies des états faisant partie de cette zone monétaire. Il convient de signaler que l’une des clauses de ce pacte réside dans la centralisation des réserves de change. En effet, en contre partie de la convertibilité illimitée garantie par la France, les banques centrales africaines s'engagent à déposer au moins 65% de leurs réserves de change auprès du trésor français, sur des comptes portant le doux nom de « comptes d'opérations ». Imaginez-vous, 65% des avoirs (masse conséquente d’argent) de nos pays déposés chaque année dans un compte logé à l'étranger, alors que des infrastructures de base (hôpitaux, écoles, routes…) attendent d’être construites. Voilà, ce pays qui se veut donneur de leçon en matière de droits de l’Homme en démocratie ? De qui se moque la France sarkoziste et hollandiste ? A cela s’ajoute le fait qu’une bonne partie de la ponction, non moins importante, relative aux détournements des deniers publics opérés par les dirigeants africains pardon les préfets Noirs de la France en Afrique, finit dans des banques françaises.
 
Notons que ces états africains, une fois confrontés à des soucis de trésorerie, se tournent naturellement vers la France pour des prêts. Des prêts qu’elle leur accorde volontiers en puisant dans ces mêmes comptes d'opérations. Bien évidemment, le remboursement de ces prêts est soumis à des taux d’intérêt colossaux. Les togolais et toutes les populations de la zone CFA sont volés pour ainsi dire par un jeu monétaire subtil mais diaboliquement efficace de la France. Et personne ne s’indigne ! Ah oui, nous n’avons personne sur qui compter dans cette lutte. On ne saurait hésiter de voir en un tel système l’incarnation achevée d’un néocolonialisme négrophobe.

On est face à un mécanisme de spoliation et d’asservissement financier pompeusement estampillé « légal ». Par ce système inique et pervers la France exploite plus que doublement les africains. C’est ici le comble d’une Afrique à la fois riche, paupérisée et réduite en mendiante !
En somme, les africains ploient sous le joug d'une servitude financière; à cela s’ajoute le pillage de nos matières premières. La France prospère allègrement sur le terreau de la misère des africains et contribue ipso facto au développement du sous-développement. On ne le dira jamais assez la prétendue “douce” France et droit de l’hommiste est en partie responsable de la misère et de la pauvreté chroniques imposées aux africains. A quand la fin de cette exploitation éhontée et de la domination impérialiste? Ce siphonage de l’argent des africains est tel que, étranglés par une misère épouvantable, ces derniers émigrent en masse à l’étranger, notamment en France. Mais paradoxalement ici, ils ne sont guère les bienvenus, car taxés d’envahisseurs indésirables qui arrachent le pain de la bouche des français. De par cette attitude incongrue et xénophobe, les français ne joueraient-ils pas les vierges effarouchées?

De ce qui précède, la preuve indéniable nous vient des aveux sans ambigüité de jacques Chirac dans un entretien télévisé : "une grande partie de l'argent qui est dans notre porte-monnaie vient précisément de l'exploitation depuis des siècles de l'Afrique". De terribles révélations qui reposent le débat sur l’existence du franc CFA et l'indépendance monétaire voire économique des anciennes colonies françaises d'Afrique. "Il faut avoir un petit peu de bon sens, (...) de justice pour rendre aux africains ce qu'on leur a pris d'autant que c'est nécessaire si l'on veut éviter les pires convulsions ou difficultés avec les conséquences politiques que cela comporte", avait-t-il confessé.


La France perpétue sans état d’âme une politique d’exploitation financière et de mainmise sur les matières premières de l'Afrique. C’est pourquoi tous ceux des leaders nationalistes africains qui osent remettre en cause le statu quo (l’ordre néocolonial) sont souvent évincés du pouvoir quand ils ne sont renversés par un coup d’état fomenté par la France. C’est ainsi que Sylvanus Olympio, premier président du Togo, sur le point de créer une nouvelle monnaie pour son pays, est assassiné le 1963 des suites d’un coup d’état commandité par la France. Thomas Sankara, après avoir compris le système pervers d’exploitation mis en place par les anciennes puissances coloniales, en vint à conclure que celles-ci devaient beaucoup plus les états africains, et par conséquent incitait les dirigeants du tiers-monde à ne pas honorer la lourde dette financière dont ils sont redevables vis-à-vis des pays occidentaux. La France ayant estimé qu’il était trop dérangeant, avait orchestré son  assassinat comme d’habitude 1987.

Dans les années 70, Elf-Congo amorce l’exploitation du pétrole au Congo-Brazzaville, Marien Ngouabi, un tenant du marxisme-léninisme, se montre très critique vis-à-vis d’une France impérialiste, et est moins enclin à protéger les intérêts de celle-ci. Aussi la France est perçue par d’aucuns comme la main noire ayant commandité son assassinat. Pour avoir fait perdre à la France la gestion effective du pétrole congolais, en 1997 Pascal Lissouba, président démocratiquement élu, est renversé des suites d’un coup d’état sanglant avec bien sûr la complicité tacite de l’Elysée.

Récemment, lors de la crise post électorale en côte d’ivoire, face à la stratégie d’asphyxie des banques ivoiriennes initiée par ses adversaires, Laurent Gbagbo a envisagé de quitter le franc CFA et créer une monnaie autonome. Ceci aura été la vexation de trop pour laquelle il s’est attiré davantage les foudres de la France au point de manquer in extremis la mort. Non contente de l’avoir arrêté et confié aux mains des frci, la France a fomenté son enlèvement et sa déportation à la cpi de la Haye (pays bas), et ce en violation flagrante de la procédure judiciaire. Il y a cependant lieu de déplorer la subordination ou du moins servilité aveugle de certains hommes politiques africains à l’endroit de la France. Ce qui les pousse à éliminer leurs compatriotes au nom des intérêts d’une puissance néocoloniale, c’est seulement en Afrique francophone qu’on peut avoir cela. La France profite sans complexe de la félonie des autocrates et autres potentats notoires qu’elle a hissé à la tête des états de son pré carré!
 
En somme, on retiendra que la France rechigne quant à la pleine émancipation des africains et leur refuse obstinément le droit à la souveraineté monétaire par le maintien d’un anachronisme colonial qu’est le franc CFA.
c’est pourquoi il sied d’affirmer que la décolonisation est un processus inachevé dans ce sens que la prédation financière et économique du continent est toujours en vigueur et que la domination politique, militaire, culturelle de la puissance néocoloniale se poursuit. On ne saurait indéfiniment transiger avec la prédation encore moins de se complaire d’une pseudo indépendance!

 Il est donc impérieux pour les africains que nous sommes de s’unir et ensemble de se battre en vue de la libération effective du carcan de l’asservissement sinon du joug néocolonial, car l’indépendance nominale octroyée n’est en réalité qu’une autonomie. La véritable indépendance, à laquelle nous aspirons, ne s’acquerra que de hautes luttes. Il appert cependant que l’indépendance est une valeur qui vaut la peine qu’on se batte et qu’on se sacrifie pour elle. C’est pourquoi il convient d’avoir présent à l’esprit que de toutes les libertés humaines, la plus sacrée est l’indépendance de la patrie.