dimanche 26 février 2012

À quoi sert l’élection présidentielle en Afrique francophone française?


Les faits sont là. Indiscutables. La planète tourne à vive allure, et l'Afrique ressemble à "un serpent recroquevillé sur lui-même, qui se mord la queue". Les chefs d'État africains doivent comprendre une fois pour toute, qu'ils ne feront pas carrière à la tête de leurs États. Qu'ils n'ont pas une longévité à rallonge, et qu'ils ne transmettront pas le pouvoir à leur progéniture comme un patrimoine personnel. Cependant, cest ce que nous avons toujours vu en Afrique Francophone Française. Y a-t-il un problème spécifique ou en commun à ces pays ? Voilà la bonne question  à notre avis.

Adoptée au lendemain des indépendances par la plupart des constitutions africaines, l'élection présidentielle, était longtemps appréciée pour la "stabilité" quelle semblait conférer aux institutions, doit être réévaluée, et ses effets profondément délétères dénoncés (Thierry Michalon).

Par définition, l'élection présidentielle est "la rencontre entre un homme et le peuple". Cet homme, avec ses idées et son programme, à force d'arguments, recevables ou discutables, cherche à convaincre le peuple en sollicitant son suffrage.

Cette démarche, simple en apparence, reste une gageure en Afrique surtout Francophone, plus de cinquante après les indépendances ou de pseudo-indépendances. La culture de la confiscation du pouvoir reste la règle, au détriment de la culture de l'alternance politique. On encourage le peuple à se remettre à un Prince plutôt qu'à accorder sa confiance à des institutions. Les cas effroyables sur le continent en disent long sur cet état de chose et nous ne voulons non plus sappesantir là-dessus.

Les constitutions africaines ne sont qu'une vitrine, une façade, voire un paillasson sur lequel les présidents à vie s'essuient les pieds. A l'image de la pâte à modeler, elles sont sans cesse réécrites, manipulées et tripatouillées au gré des caprices du Prince. Elles permettent complaisamment à des dictateurs notoires de se porter candidats, et donc, non seulement de se représenter à l'élection présidentielle (à laquelle ils n'auraient pas dû se (re) présenter), mais aussi de se faire réélire par la brutalité, l'intimidation, les tueries, le crime, la peur, le désordre sciemment organisé, et par la force des armes. Le constitutionnaliste du droit africain G. CONAC estime: « Dans la mesure où la Nation reste un projet fragile, elle a besoin de s'incarner dans un homme qui lui donne en quelque sorte son identité ». Cet homme, le Président, "est au centre de tout" et parfois même se confond avec l'État. C'est lui qui bâtit la Nation, dirige l'État et le personnalise.

Pour preuve: Au Togo, l'actuel président, Faure Essizimna Kodjo Gnassingbé a mis entre parenthèse les reliques de la constitution de 1992 tripatouillée par son géniteur, elle-même complètement dévaluée en 2005  en 24 heures chrono, ahurissant et scandaleux feuilleton par le fils-président, pourtant approuvée à lépoque par une majorité de Togolais. Il s'est fait tailler "sur mesure" sa constitution. Lélection présidentielle se déroule à un tour afin de mieux réaliser les hold-up électoraux comme cela a été toujours le cas du père au fils ? Pris dans son propre étau, son mandat s'achève en 2015. Aura-t-il l'élégance morale de quitter le pouvoir, ou cèdera-t-il à sa "cour " qui lui susurre de modifier "sa constitution" pour conserver le pouvoir? L'avenir proche nous le dira.

- Au Bénin, le président sortant Yayi Boni a été réélu haut les mains grâce à des fraudes massives et piétinant la constitution de son pays au nez et à la barbe de tous. 
- Récemment, en République démocratique du Congo, la constitution vient d'être modifiée par le fils président. La prochaine élection présidentielle sera à un seul tour.

- En République Centrafricaine, le président Bozizé a été réélu après avoir organisé de fraudes massives.

- Au Cameroun, Paul Biya après vingt-neuf ans au pouvoir, vient une fois encore dêtre réélu par lentremise des fraudes énormes comme toutes les autres fois.

- Au Tchad, Idiss Déby vient de prêter serment après une élection présidentielle boycottée par l'opposition.

- Au Gabon, l'élection du candidat André Ba Obam a été usurpée au profit du candidat de la Françafrique, Ali Bongo fils du défunt Omar Bongo.

- Au Sénégal, Abdoulaye Wade (86 ans), a voulu faire modifier l'article 71 de la constitution sénégalaise, pour se faire succéder par son fils, Karim Wade. Seule la mobilisation du peuple sénégalais a eu raison de ses velléités. Mais il  a tout de même réussi à tripatouiller la constitution pour briguer contre vents et marrées un troisième mandat pour la destinée du Sénégal, les jours à venir nous renseigneront davantage? Quel recul pour ce pays ou bien doit-on parler plutôt d’une malédiction contagieuse et rampante  en Afrique francophone française?
A quand donc la fin de cette honteuse pagaille de tripatouillage de constitution, qui ridiculise notre sous-région ? 

L'élection présidentielle reste profondément nocive en Afrique francophone française. Elle conduit l'électeur africain à se prononcer en fonction de considérations relationnelles et affectives. Elle le pousse à ignorer que « les mécanismes démocratiques doivent servir à exprimer des attentes différentes quant à l'avenir de la Cité, et qu'il n'y a pas de politique sans libre confrontation de ses attentes. Elle amène et le citoyen et l'homme politique à considérer l'État comme un réseau de relations et non pas comme un ensemble de fonctions devant être remplies de manière neutre et objectives. Elle encourage le citoyen africain à voir dans l'État un mécanisme d'accaparement légitime de biens collectifs par le clan du vainqueur » (Thierry Michalon).

En outre, détourné de son devoir envers l'intérêt général, l'appareil d'État devient une machine de plaisir et de profit entre les mains de son chef et de ses amis. « La corruption, le népotisme, le favoritisme et le gaspillage s'installent, ainsi que l'indulgence à l'égard de l'incompétence des favoris et l'inconscience à l'égard de la sienne propre, qui ne peut que croître dans des conditions aussi protégées, aussi propices à l'enflure du Moi » (Jean François Revel).

L'élection présidentielle en Afrique engendre l'autocratie, l'arbitraire, la médiocrité, la confiscation du pouvoir, et la dilapidation des deniers publics par le clan du vainqueur.

Plus grave, l'élection présidentielle est source d'insupportables violences, de guerres civiles ouvertes et larvées en Afrique. Le cas de notre pays en 2005 est révélateurs à ce sujet avec à la clé des centaines de morts. Les récentes exactions survenues en Côte-d'Ivoire en sont une fois encore l'illustration parfaite. En sus, dans la nuit du 18 au 19 juillet 2011, la résidence privée du chef de l'État guinéen, Alpha Condé, a été attaquée au bazooka par des groupes armés, sept mois après de vives crispations postélectorales.

Dans tous ces cas précités, la France a  toujours tiré les ficelles dans lombre grâce à ce réseau mafieux de françafrique et des coopérants militaires et des bases militaires dans ces pays pour quelle raison ? Si ces pays sont réellement indépendants que cherchent ces bases militaires alors ?  La France na jamais coupé le cordon ombilical avec lAfrique francophone dont elle tire lessentiel de ces ressources de toute nature. De tout ce qui précède, cest la France qui est à la base des  instabilités politiques dans ces pays, en soutenant et en armant  tacitement les potentats afin quils répriment sauvagement toutes contestations populaires.

Dès lors, une solution est-elle envisageable pour contenir les impasses et les errements de l'élection présidentielle en Afrique francophone française? N'ayant pas la science infuse, seules quelques pistes de réflexion sont envisageables. Aux effets désastreux de l'élection présidentielle en Afrique, il est opportun de réhabiliter les deux piliers de l'État de droit que sont: la Démocratie et la République.

La démocratie est la procédure d'élaboration des règles de droit à partir d'un compromis entre les attentes antagonistes des différentes catégories sociales dune nation ou dun pays.

La République quant à elle est l'ensemble des valeurs qui président à la mise en œuvre égalitaire des règles selon le principe de l'égalité des administrés devant la loi.

Une fois ces deux piliers mis en place, on envisagerait de
"refonder la légitimité" présidentielle par un mode de désignation moins solennel, en " cantonnant le président à un rôle plus effacé, de "sage actif" par exemple, pour le plus grand profit des mécanismes de la démocratie représentative". (Thierry Michalon)

Une autre solution, pragmatique, plausible, est suggérée par le constitutionnaliste congolais, Félix Bakounda. Il propose non seulement de "repenser le président africain, mais aussi de symboliser l'institution présidentielle". Il poursuit sa démonstration en ces termes«  l'observation de presque l'ensemble des États africains, depuis l'indépendance, démontre que l'institution présidentielle, telle qu'elle a fonctionné jusqu'ici, et à des degrés différents selon les États, contribue à la destruction du tissu socioculturel et économique. Le président africain, c'est une évidence, recherche inévitablement la fidélité et le soutien inconditionnels des "siens", finit par devenir dépendant, prisonnier de ceux-ci ».

En définitive, pour mettre un terme aux mascarades électorales, aux falsifications des listes électorales, aux fraudes massives, aux commissions électorales qui sont loin d'être "indépendantes", et à la manipulation du suffrage universel constatée ici ou là, l'élection présidentielle en Afrique francophone française mérite d'être revisitée. Sa suppression, voire son remplacement par un autre mode de désignation du président, épargnerait sans conteste à l'Afrique des violences et des drames inutiles.
Mais au-delà de cette analyse, il nous paraît indéniable que nous nous penchions sur deux grandes questions essentielles aux enjeux multiples pour nos pays africains, qui sont: 

1- Est-ce que lintelligentsia africaine sinvestit suffisamment dans des réflexions sur le modèle démocratique et les stratégies de développement?
2- Est-ce que les Universités africaines considèrent comme leur mission de contribuer à définir et à théoriser sur les bonnes politiques?



À VOS RÉFLEXIONS !!!

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